
Auteur(s): Alain Jamot
Titre: Frank Zappa, l'alchimiste du chaos
Éditeur: Auto-Édité
Pages: 192
Langue: Français
Format: Epub
Zappa, la faille joyeuse Ou comment, à la fin des années 70, un adolescent découvre la musique contemporaine grâce à un moustachu sarcastique dans les pages de Rock & Folk Je n’ai jamais cru à la révélation mystique. Pourtant, quelque chose s’en rapproche dans la manière dont Frank Zappa est entré dans ma vie. Ce n’était pas une lumière divine, ni une secousse intérieure, mais une faille discrète, un interstice dans le réel qui s’ouvrit un jour entre deux colonnes d’un vieux numéro de Rock & Folk. Nous étions à la fin des années 70. Je devais avoir quatorze ou quinze ans. À cet âge-là, on cherche dans la musique ce qu’on ne trouve pas ailleurs : la rage, l’intelligence, l’échappatoire, la transgression. Et parfois tout cela en même temps. J’écoutais du rock, comme tout le monde. Queen, Kiss, Genesis, un peu de jazz-rock aussi — Weather Report, Mahavishnu. Je croyais comprendre ce que voulait dire “expérimental”, mais tout cela restait dans les rails. Puis je suis tombé sur une interview de Frank Zappa, signée Jean-Marc Bailleux. Une de ces interviews fleuves, érudites, décalées, précises et drôles, où Bailleux, qui n’avait pas peur de passer pour un intellectuel dans un magazine de rock, donnait la parole à un musicien que je ne connaissais que de nom — et que la photo rendait immédiatement suspect : cheveux longs mais pas hippie, moustache et petite barbiche en pointe, chemise à fleurs, regard sarcastique. Il avait l’air de se moquer de moi. Et c’est précisément ce ton-là qui m’a accroché. Zappa n’était pas là pour séduire. Pas pour se raconter. Il déployait un discours dense, technique, exigeant, où il était question de Synclavier, d’atonalité, d’hypocrisie médiatique, de Edgard Varèse, de gammes byzantines, de rock débile, de business véreux. Rien n’était séparé : le son, la politique, le langage, la satire, l’écriture, la production. Tout se mêlait. Et surtout : il n’y avait aucun filtre. Ce type parlait comme personne. Il ne cherchait pas l’approbation. Il démontait les idées reçues une à une. Il parlait de musique comme d’un art sérieux, et dans la phrase suivante, il évoquait une chanson sur les hamburgers ou les pervers sexuels. Cette interview m’a donné envie d’acheter un disque. Un peu au hasard, j’ai trouvé Hot Rats, que je glissai fébrilement sur la platine familiale. La première écoute fut un choc, mais pas celui que l’on croit : je n’ai pas été "transporté". J’étais dérouté. Pas de chant (ou si peu), des morceaux longs, des solos bizarres, un groove étrange, des ruptures. Je ne comprenais pas tout, mais je sentais qu’il se passait quelque chose d’essentiel. Comme si cette musique refusait le consensus. Comme si elle ne cherchait pas à être aimée. J’y suis revenu. Et très vite, j’ai compris que Zappa n’était pas un artiste qu’on écoute en fond sonore. Il exigeait l’attention. L’adhésion partielle. L’analyse. Chaque disque était un monde. Alors j’ai commencé à les collectionner. OverNite Sensation, Apostrophe, One Size Fits All, Roxy & Elsewhere, Joe’s Garage, Zoot Allures… Aucun ne se ressemblait. Parfois j’étais hilare, parfois fasciné, parfois mal à l’aise. Et peu à peu, une question a émergé : d’où venait cette musique ? À quoi répondait-elle ? Pourquoi utilisait-elle des métriques irrégulières, des harmonies tordues, des arrangements inclassables ? J’ai commencé à lire les livrets. À chercher les noms. Et c’est là que Zappa a rempli son rôle de passeur...
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25/04/2025
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